LIVRES
- Melanie Blaser

- 13 août
- 2 min de lecture

Aujourd’hui je suis allée chez la libraire de ma petite ville, qui vend des livres de seconde main, pour lui demander de vendre les livres de mon père. Les livres traduits de l’anglais et de l’italien, puisque je les lis en langue originale. Les autres, je les ai pris, et j’ai pris la bibliothèque aussi. Je me suis d’ailleurs dit en les triant que nous avions vraiment les mêmes goûts littéraires. Et la même bibliothèque, mais ça, je le savais déjà.
J'avais appelé un autre libraire que je connais à Lausanne, mais il m’a dit qu’il avait trop de stock. Je suis alors allée dans cette librairie-là. Il y avait une cliente avant moi, qui a oublié sa fourre plastic et ses documents sur le comptoir, et la libraire a dû lui courir après. Puis il y avait un jeune homme, qui voulait gentiment me laisser passer, mais je lui ai dit qu’il était avant moi et je préférais surtout être seule avec la libraire. Il m’a remerciée et a payé ses trois livres.
La jeune, jolie et compétente libraire m’a d’abord dit qu’elle avait assez de stock, alors je lui ai expliqué que je ne voulais pas donner ces livres aux institutions habituelles, je voulais qu’ils soient là, dans ce joli meuble en bois brun à l’extérieur du magasin. J’ai dit que c'étaient des auteurs qui se vendaient bien.
Je comprends que certains ne comprendront pas mon insistance et mon souhait. Mais la jeune femme a compris. Elle avait aussi perdu son père et elle aimait aussi les livres. Alors, elle m’a dit : « Vous savez quoi ? Laissez-les-moi ».
J’ai senti les larmes me monter aux yeux, je l’ai embrassée et j’ai posé les deux gros sacs de livres dans la libraire. Puis je suis sortie et j’ai pleuré un petit peu. Demain et les autres jours, j’irai voir si les livres de Papa sont dans le joli meuble.
"Le deuil n'est pas une douleur qui dans le temps s'atténue. C'est un détachement hardi, actif, à l'endroit de la mort. Il ne faut pas consentir à la mort, mais lui dire adieu. Il faut détruire le lien merveilleux qui reliait à l'être disparu." - Pascal Quignard, L'amour la mer



