DESTRUCTION

J’ai un grain de beauté dans l’œil. Personne ne me l’avait jamais dit. Je l’ai su le jour où mon visage ressemblait à une patate douce avec deux yeux, qu’on pouvait à peine distinguer entre des bourrelets de paupières. Ce jour-là, j’avais une affection cutanée doublée d’une infection virale. Je suis allée chez un ophtalmologue que je ne connaissais pas. Il a pris une photo de mon œil et m'a montré le grain de beauté.

(C'est d'ailleurs étonnant ce nom de "grain de beauté" pour quelques millimètres de peau contenant plus de mélanine que le reste de la peau, qu'on trouve souvent plutôt laids, et que les médecins surveillent pour voir s'ils ne sont pas cancéreux.)

Ces affections de ma peau me donnent à réfléchir: la peau est le lien entre l’extérieur et mon intérieur. En médecine chinoise, on dit notamment que le cœur affecte toujours les états de la peau. Tout s’explique.

Quelles que soient les explications de quelque médecine que ce soit, je crois que dans le fond, je sais maintenant apprivoiser ces moments, quand le corps s'exprime. Je l'écoute. Je lui donne la permission de se reposer, je lui donne congé, je ralentis, voire, j'arrête tout, si c'est possible. Et comme tout va ensemble, je mets aussi mon esprit au repos. Et je prends soin de mon âme, de mon éther, de mes chakras, de tout ce qui me constitue.

Je balance aussi quelques phrases bien tournées sur mon journal. Il faut quand même s'exprimer, sortir ce qui fait mal. J'écris des paragraphes et des pages entières parfois, que personne ne lira jamais. Et je reprends mon calme. Je respire. Je m'apaise.

En attendant que "ça passe", comme on dit, j’écris ce texte et je le publie, pour que mes amies et amis, near or far, me disent: « Courage Mel ».

Destruction de l'immeuble où nous avons habité pendant 4 ans à Hanoi.

"C'est agréable d'abandonner.

Abandonner c'est partir.

Il faut toujours partir.

Le plaisir c'est : Je pars." - Pascal Quignard, Abîmes

Melanie Blaser