COUSINE
- Melanie Blaser
- 5 sept.
- 2 min de lecture
Ce soir Tanti, ma tante, m’a appelée. Elle m’a dit :
« Je n’ai plus de sœur, je n’ai plus de frère, je n’ai plus de mari. C’est dur ! Parfois je me dis, tiens, je vais appeler mon frère… mais non. »
J’ai répondu qu’elle pouvait m’appeler moi, que ça me faisait plaisir. Et j’ai parlé de ce tableau : le portrait d’un petit garçon, j’ai demandé si c’était Papa. Elle m’a dit qu’un peintre avait effectivement fait leur portrait quand ils étaient petits et qu’elle avait perdu le sien. Elle m’a demandé si le petit garçon sur le portrait avait la raie de côté, j’ai dit oui. Et nous avons ri en disant qu’il était chou sur ce portrait.
Quand j’étais petite j’allais parfois passer le week-end chez Tanti et Tonton et mes cousins. Tanti nous faisait des petits mélanges le matin pour mettre sur nos tartines : beurre-miel et beurre-cenovis. Puis nous allions aux champignons dans les bois avec Tonton, ou aux rochers de Tablette, ou dans la mercerie de Tanti, où nous avions le droit de vendre quelque chose à une cliente parfois.
Un jour, mon cousin s’est explosé en voiture contre une ferme à 120 kilomètres à l’heure en pleine campagne, sur une route qu’il connaissait par cœur. J’ai vu l’impact contre la bâtisse. Je n’ai jamais compris. Je suis encore triste quand j’y pense.
Ma cousine me ressemble, pas physiquement, elle est blonde aux yeux bleus, mais pour plein d’autres choses : elle ne supporte pas les étiquettes des vêtements, les matières synthétiques, un cheveu sur sa peau, elle a appliqué la méthode d’éducation « liberté avec fermeté », elle a eu plusieurs métiers, des moments difficiles, de belles histoires d’amour. Quand je la vois, je me sens bien. C’est comme une évidence. Ensemble, nous parlons, nous rions, même si nous sommes tristes, nous sommes sincères, nous ne jouons pas. Nous sommes nous-mêmes. Je ne lui ai jamais dit (maintenant c’est fait).

"Même une enfance horrible est un paradis perdu." - Pascal Quignard, Trésor caché