CAFÉ
- Melanie Blaser
- 28 janv.
- 4 min de lecture
Ce matin, je me faisais un café et je pensais à l’intelligence artificielle. Je me disais : quand on a une machine à café, on achète du café dans un magasin, on le moud, on met de l’eau dans le réservoir de la machine, on met la quantité de café moulu requise dans le filtre, on place la tasse au bon endroit et on appuie sur un bouton. On peut avoir des boutons différents pour un espresso ou deux espressi ou un café. La machine fait ce qu’on lui demande : elle fait couler la bonne quantité d’eau à travers le café. Si on a oublié de mettre la tasse, la machine ne le sait pas, et fait couler l’eau à travers le café quand même. Et si la machine tombe en panne, il ne nous reste plus qu’à descendre en ville pour prendre un café dans un café.

Les distributeurs de café dans les gares, les bureaux ou les centres commerciaux ont des réservoirs remplis de café, de lait et d’eau, ou un tuyau qui amène l’eau dans la machine. Un être humain appuie sur un bouton et paie, ou pas, si l’entreprise offre le café à ses collaborateurs, par exemple. La machine place le gobelet de la bonne taille au bon endroit et verse la bonne quantité d’ingrédients à la bonne température, dans le bon ordre, dans le gobelet. Si un ingrédient manque, elle affiche un message d’erreur et ne fait pas le café demandé. Dans ce cas, ou si elle tombe en panne, il ne nous reste plus qu’à descendre en ville pour prendre un café dans un café.
Avec l’IA-café, on créerait un compte. Il faudrait probablement du temps pour que la machine comprenne nos goûts et nos habitudes. Même si elle avalait et digérait toutes nos traces numériques, elle n’aurait peut-être pas beaucoup d’informations sur nos goûts en termes de café. Il faudrait donc répondre à des questions, ou mettre une application sur notre téléphone, et y enregistrer un tas d’informations, pendant un certain temps.
Mais là, je me demande ce que ferait l’IA-café de la dimension : « qu’est-ce que je vais boire ce matin ? » qui caractérise l’être humain qui se tâte plus ou moins longtemps pour choisir une boisson devant le choix proposé sur un tableau noir, un menu ou une machine. Je ne vois pas comment la machine peut répondre à ça, si nous ne pouvons pas y répondre nous-même, avant d’avoir réfléchi un petit moment, pour savoir si, là, maintenant, nous avons envie d’un espresso noir, ou d’un cappuccino sucré.
Bref, admettons que l’IA-café connaisse nos habitudes et nos goûts, et se base sur les informations que nous avons enregistrées. Un robot fabriquerait le mélange de café parfait pour nous : amertume, force, acidité, torréfaction, goût chocolaté ou pas, selon nos goûts. Ça existe déjà, le mélange parfait fabriqué par une IA. Parfait pour qui ? Je ne sais pas et personnellement, j’aime bien changer de marque de café.
Reprenons. L’IA-café, en fonction de nos habitudes, nous ferait le café qui nous convient au moment opportun : un latte le matin – pardon, je digresse à nouveau. Quand j’étais jeune, on disait un renversé, mais de nos jours, on dit un latte et il y a de la mousse dessus. Moi, personnellement, je n’aime pas avoir une grosse couche de mousse, mais apparemment, c’est la mode et les gens adorent. De toute façon, j’ai arrêté le renversé parce que je suis intolérante aux produits laitiers, donc je ne bois pas de latte non plus. Bien que, grâce à l’émergence de la mode du végétalien, qu’on appelle maintenant végane (qui est un anglicisme), la plupart des tiroums et autres stands de café proposent des alternatives au lait de vache, comme les « laits » de soja, avoine, amande, noisette. Qui, en réalité, sont souvent un attrape-nigaud, parce que ces « laits » contiennent 10% de soja, avoine, amande, noisette, 90% d’eau, parfois du sucre, et de la graisse végétale.
Revenons à notre IA-café. S’il n’y avait pas de bug, d’interruption du réseau ou du courant électrique ou un autre type de panne, la machine reconnaîtrait donc notre visage ou notre empreinte digitale et nous servirait un latte le matin et un double espresso vers 11h, sans nous demander notre avis. L’après-midi, la machine déciderait de nous servir un espresso décaféiné après le repas et ensuite, des tisanes, pour qu’on dorme bien le soir. Et tant pis pour nos envies. L’être humain est de toute façon relativement formatable. Et s’il y avait une panne, on pourrait toujours descendre en ville pour prendre un café dans un café, et commander la boisson de notre choix. Jamais, un serveur ne nous proposera une tisane pour bien dormir le soir, quand on commande un café l’après-midi ou le soir. Jamais notre machine ne refusera de faire couler l’eau à travers le café si nous appuyons sur la touche espresso, même à 22 h.
Bon, tant pis pour l'IA-café, je vais descendre en ville. Qui vient prendre un pti café avec moi ?
Noam Chomsky dit que l'intelligence est basée sur l'élaboration de réponses à partir de petites quantités d'informations – ce qui nous différencie des machines. La curiosité, les envies, ne sont donc pas des qualités dont sont dotées les machines, l’IA ne se pose pas de questions, elle ne crée rien, sinon à partir de données.