Résumé très résumé de mon début de carrière professionnelle à l'attention de celles et ceux qui sont découragés par le monde du travail. Et de ceux et celles qui ont de l'humour dans un certain monde du travail qui se prend tellement au sérieux.
Après de belles et longues études littéraires, je me rends rapidement compte que dans un certain monde du travail, on considère ma formation comme inutile. Dans une agence de placement genevoise, la conseillère - c’est comme ça qu’on appelle ce genre de personnes - m’a demandé de faire un test de français… je suis licenciée ès-Lettres langue et littérature françaises, c'est le nom qu'on donnait au Master il y a longtemps. La conseillère ne m’a jamais donné le résultat du test. Je pense qu’elle était agacée de ne pas trouver de faute. Elle ne m’a jamais trouvé de job non plus.
J’ai finalement atterri dans une agence de relations publiques, pour laquelle j’avais fait de menus travaux lorsque j’étais étudiante. J’ai embauché mes amies étudiantes pour les menus travaux et je me suis assise derrière un ordinateur. Après 6 mois de non-apprentissage et de non-communication pathologique de la part de ma patronne, elle m’a demandé de partir : il n’y avait du travail que 6 mois par an dans cette entreprise, mais elle n’y avait pas pensé en me faisant un contrat à durée indéterminée.
J'ai ensuite eu un bureau, une chaise et un ordinateur, dans un couloir. Mes collègues et moi tapions chaque mot que nous dictaient les avocats, par l'intermédiaire de petits dictaphones. Ils avaient le privilège de travailler dans les bureaux à chaque bout du couloir, mais ils n'avaient pas d'ordinateur.
J’ai pu ainsi dépenser 5000 CHF pour m’acheter une voiture et conduire 25 km chaque matin et chaque soir. Entre deux trajets, j’étais assistante en ressources humaines, prononcez secrétaire. La directrice des ressources humaines n’aimait ni mes lettres, ni mon style, ni mon manque d’expérience. Elle ne supportait pas que je n’aie pas retenu le nom ou le numéro interne d’un collègue après 3 jours dans une entreprise de plus de 1000 employés. Elle utilisait un stylo rouge pour tracer des mots et des phrases dans chacune de mes lettres. Elle était stressée. Elle n'était pas heureuse.
Deux mois plus tard, mon collègue du fond du couloir a été nommé directeur et m’a fait un contrat. Mon 2e contrat. Il aimait mon style, mon manque de goût pour la hiérarchie, mon intérêt pour l’usine et ses ouvriers, mon mépris de l'expression "ressources humaines", mes initiatives, ma manière de rédiger et même mon manque d’expérience. Il a viré mon inutile chef et engagé mes deux futures meilleures amies. Nous étions la dream team. Je gérais des projets intéressants, j’étais intégrée, consultée, reconnue.
Un autre directeur et une équipe internationale des ressources humaines du monde entier sont venus bouleverser notre organisation et la dream team a explosé. Je ne vais pas m'étendre inutilement sur la séance avec le directeur des ressources humaines du monde entier, chemise ouverte sur ses poils noirs, canette de Pepsi à la main, qui me propose d’organiser les parties de golf du top management. J'ai dit "non merci" et je suis retournée dans mon bureau au sous-sol. J'ai regardé par le saut de loup, répondu au téléphone et le nouveau directeur des ressources humaines de l’usine m'a dicté la dernière lettre avant que j’en rédige une moi-même : ma lettre de démission.
Je suis immédiatement engagée en temporaire dans les ressources humaines d'une entreprise très chouette, dont la moyenne d'âge des employées et -és est justement mon âge. Je suis l’assistante d’un recruteur, qui après avoir recruté des boulangers pâtissiers, recrutait l’équipe internet. Un tableau Excel et quelques cours Access plus tard, je suis responsable des ressources humaines pour l’équipe internet en question. Sauf le recrutement, parce que ma nouvelle responsable préfère se le garder pour elle, c'est son activité favorite. Après avoir mis de l’ordre dans le capharnaüm du Kardex (ironie du sort, mon père avait été représentant Kardex il y a longtemps), je décide de postuler, dans la même entreprise, pour un autre job, dont je n’avais compris ni la description, ni le but, ni l’intérêt. Quelques entretiens et mises au point plus tard, je suis engagée pour ce job, dont la description, le but et l’intérêt ont été modifiés suite à mes suggestions.
Étant donné que je travaille dans la rémunération, je demande une augmentation de salaire. J’apprends, je forme, je comprends, j’explique, je reçois, je donne. Arrivée de notre 3ᵉ Directeur en 3 ans, qui s'appelle Vice President (qu'on prononce avec l’accent anglais). Montée en grade. Augmentation de salaire.
Vacances, croisière en catamaran aux Caraïbes, amour, vie commune, voyages, fiançailles, mariage, naissance, congé maternité, bonheur, sourire, purées, cacas, vomis, bains, crèche, retour au travail. Passage d’un département des ressources humaines créatif à une administration du personnel dirigée depuis un autre pays. Je suis licenciée, la même année qu’une centaine de collègues. Apéro, soirée vodka-jus de pomme, départ de l'entreprise.
Après un mandat dans une entreprise sympathique, départ pour le Vietnam. Notre fille a 20 mois, j’ai 38 ans et 10 ans de carrière. La suite au prochain épisode...
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